[Anthelme] Salon Aung San Suu Kyi

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

(A venir...)

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

Le salon avait été spécialement aménagé pour recevoir la direction de Gesca Motors et les représentations syndicales. Cette réception était une première sous l'histoire de cette Constitution. D'ordinaire, le Président de la République ne traitait pas des questions économiques, puisqu'elle relevaient du Gouvernement. Mais devant la situation explosive, Lacroix avait demandé carte blanche au Gouvernement pour sortir de cette crise. Il entra dans la salle où les principaux protagonistes l'attendaient, costard impeccable, l'air sérieux comme d'habitude. Il serra les mains de ses invités, les salua et prit place au centre de la table rectangulaire, face à ses interlocuteurs. Seul deux conseillers l'entouraient, marquant en un sens, une certaine autorité. Il ouvrit l'épais dossier sur son bureau et commença :

- Mesdames, Messieurs, je vous remercie d'avoir répondu présent à mon invitation. Je vais vous parler sans détour, ce qu'il se passe aujourd'hui avec Gesca Motors est très grave. En tant que responsables, nous avons le devoir de résoudre les problèmes quitte pour cela à passer dix jours durant sur le dossier sans discontinuer. Je compte donc sur l'implication de chacun pour faire en sorte que nous soyons rapides et efficaces. Je vous propose l'un après l'autre de m'exposer vos doléances. Quelles sont les revendications syndicales et quelles sont les revendications de Gesca Motors pour éviter le drame social que nous commençons à vivre ?

Les conseillers restaient effacés. A vrai dire, Louis-Damien se tournait rarement vers eux, même en matière diplomatique. Il était sûr de lui et il en imposait, sans pour autant donner l'impression d'être fermé au dialogue, bien au contraire.

[Pierre Lazaridis]

Pierre n'alla pas par quatre chemins.

- C'est un véritable scandale. La direction de Gesca s'apprête à mettre des centaines de famille à la rue, tout en se faisant passer pour des bienfaiteurs : rendez-vous compte, l'entreprise offre la possibilité aux ouvriers de tout quitter pour s'expatrier au Bengladesh et poursuivre leur emploi ! Mais ils ont oublié une chose : les ouvriers ne sont pas des machines que l'on peut transporter ou l'on veut, ou à défaut mettre dans le caniveau. Les ouvriers sont des hommes et non des chiens, et ces licenciements sont inadmissibles. La direction de Gesca prend tout le monde pour des cons, pardonnez moi ce mot M. le Président, mais je suis sur les nerfs.
Alors je ne vois que deux solutions. Soit Gesca est en réelle difficultés, et dans ce cas la direction met en place le travail partagé prévu par le Code de l'Entreprise, ce qui sauvera les emplois au moins pour un an et diminuera les coûts liés aux employés; soit vous décidez de nationaliser. En tout cas, croyez moi, si les choses restent dans ces conditions, nous n'hésiterons pas à passer aux choses sérieuses. Si la direction veut être séquestrée, elle le sera.

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

Louis-Damien n'aimait pas particulièrement la vulgarité mais avec sa femme, il était plutôt bien servi ! Il ne tiqua pas et resta calme.

- Je comprends votre désarroi et votre colère, monsieur Lazardis. Le contexte actuel est extrêmement tendu et c'est pour cette raison que je vous ai invité ici. Nous sommes là pour crever l'abcès et parler librement, dans le respect bien entendu. Sans cela il sera impossible de trouver un accord.

Lacroix prit plusieurs documents qu'il parcourut meticuleusement.

- Gesca Motors traverse des difficultés. Mais la Froce ne peut pas se permettre de voir disparaitre ces emplois. L'Etat est prêt a mettre les moyens pour aider l'entreprise mais nous ne ferons aucun cheque en blanc.

[François d'Escourt]

Le réquisitoire de Monsieur Lazaridis est bien beau, mais totalement désuet car il démontre une méconnaissance totale du contexte économique actuel. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas été habitués à mieux de la part de ce monsieur qui s'était permis il y a quelques temps de proférer des menaces de violence physique à mon encontre.

Monsieur le Président de la République, merci de me recevoir aujourd'hui. La situation de notre entreprise est chaotique : qu'on se le dise, tous les voyants sont dans le rouge. La filiale a hérité d'un bilan financier catastrophique provenant de la gestion du précédent propriétaire. Depuis ma nomination au poste de Directeur Général de Gesca Motors, je me suis efforcé de redonner du travail aux 30% de salariés qui étaient au chômage technique sous Sapporo. La politique de l'entreprise a toujours tenu compte du facteur humain, et jusqu'alors, nous étions très appréciés de ces ouvriers qui étaient tous contents de retourner travailler. Mais voilà, le contexte économique très compliqué ne nous permet pas de continuer à vivre sur ce train : certes, nous pourrions conserver l'ensemble de nos emplois, mais cela reviendrait à enclencher le minuteur de la faillite. Car oui, je suis en mesure de le dire, nous vivons au-dessus de nos moyens. Et ce, malgré la politique de réduction des coûts que j'ai mis en place à mon arrivée. La faute à une législation frôceuse trop contraignante pour l'activité des grandes entreprises, qui paralyse leur roulement et confère des marges de manœuvres plus que réduites. Oui, une grande entreprise génère d'importants bénéfices, mais ce qu'oublient toujours les politiciens, c'est que nous avons des coûts d'exploitation extrêmement importants et contraignants, sans parler du financement de notre politique sociale. Oui, posséder énormément de salariés, cela revient très cher en Frôce.

Par ailleurs, vous savez comme quoi que l'industrie automobile frôceuse va mal. Nous ne sommes plus en mesure de débloquer de nouveaux marchés à l'international à cause de la concurrence asiatique, qui bénéficie d'une main d'oeuvre bon marché associée à des contextes économiques et sociaux plus favorables. Ce qui signifie donc que nous devons avant tout nous concentrer sur le marché national. La demande actuelle en termes de véhicules impose que nous proposions des voitures à bas coût. Et pour produire de façon rentable ce type de véhicule, nous ne pouvons exploiter entièrement des ressources frôceuses.

Nous demandons donc une révision du barème de taxation applicable aux grandes entreprises, qui est actuellement vraiment discriminatoire. Nous demandons également une aide financière de l'État : avec 100 000 salariés, nous comptons parmi les plus grands employeurs de Frôce. Il est donc du devoir de l'État frôceux de nous aider à sauvegarder ces emplois et à continuer d'exister pour éviter un drame social.

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

La réalité économique est effectivement là. Cependant elle n'est pas une fatalité. Ce qui a fait la force économique de la Chine, c'est n'est pas l'innovation, c'est la délocalisation elle-même. En déménageant les emplois là bas, les entrepreneurs ont donné à la Chine une puissance importante. Mais l'industrie automobile froceuse peut renverser la table pour peu qu'on lui en donne les moyens. En définitive, il n'appartient qu'à nous de faire ce qui incombe.

La solution, je n'en vois qu'une : renforcer le savoir-faire frôceux. Et cela passe par le maintien des emplois. Je prends note de vos remarques et de vos arguments. J'ai travaillé sur des pistes pour parvenir à un consensus sur ce dossier.

Je propose des dispositions exceptionnelles pour Gesca Motors :
- exonération de charges pour une durée de deux ans, renouvelables si la situation de l'entreprise est toujours difficile,
- gel des salaires pour les salariés et les cadres,
- gel des rentes pour les actionnaires,
- participation de l'Etat à hauteur d'un montant à déterminer avec vous,
- participation de l'Etat au capital de l'entreprise,

En contrepartie, Gesca Motors s'engage à ne pas supprimer de postes, ni poursuivre sa délocalisation.
Peut-être que les représentants syndicaux souhaitent ajouter des éléments ?

Idéalement, même si le code de l'entreprise le permet, il serait idéal que nous n'en venions pas au partage du temps du travail afin que chacun conserve sa place dans l'entreprise.
Quel est votre premier avis sur ces propositions ?

[François d'Escourt]

Bien, je suis plutôt convaincu par vos propositions. Effectivement, l'ensemble devrait nous convenir, toutefois il nous reste encore à déterminer la hauteur de votre participation au redressement de Gesca Motors. Nous serions prêts à céder à l'État frôceux 25% de nos parts, ce qui donnerait la répartition suivante des actionnaires : Groupe De Kervern (65%), État frôceux (25%), Toyota (5%), Flottant (4%), Salariés (1%).

Ainsi, nous démontrons à l'État que nous sommes prêts à considérer son investissement dans le capital de l'entreprise et à le récompenser ainsi des efforts financiers consentis en notre faveur.

En ce qui concerne le gel des salaires, il me semble possible à condition que votre participation à notre redressement soit suffisante pour le permettre. Mais je n'y vois aucun inconvénient.

Par ailleurs, ces propositions impliquent forcément des changements dans le déploiement de notre stratégie et cela va me demander une concertation avec l'ensemble de la direction board ainsi qu'avec les actionnaires.

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

Je ne le vous cache pas, je tablais davantage sur une prise de part dans l'entreprise de l'ordre de 35%, ce qui aurait amené un rapport 55/35. Le Groupe de Kervern serait donc toujours majoritaire, mais comprenez bien que l'Etat doit avoir un poids certain s'il contribue à injecter de l'argent public, argent du contribuable.

En contrepartie, je pense que nous pouvons négocier la participation de l'Etat. Le FEIR peut servir à cet effet.
Mon objectif est de sauvegarder les emplois sur le territoire frôceux et de trouver un plan d'aide durable pour votre entreprise. Vous avez une connaissance approfondie des finances de votre entreprise, dites-moi de combien vous auriez besoin et je vous dirais si c'est possible ou non.

En ce qui concerne les salariés en grève, l'Etat va compenser les pertes de salaire de son côté.

Le Salon International aura lieu ce week-end, Gesca Motors devra taper fort pour attirer les investisseurs, d'où la nécessité de mettre un terme au conflit et d'apporter un signal rassurant aux marchés, dès à présent. Contrairement à d'autres pays, nous n'allons pas lâcher ce fleuron national ! Je veux que ça soit clair pour vous tous. Je m'engage en ce sens pour apporter des garanties et une action concrète.

[François d'Escourt]

C'est un rapport qui me semble envisageable. Bien-sûr, il faudra que je réunisse l'ensemble du comité directeur avant de vous annoncer la décision au nom de la filiale. Mais dans l'idée, je pense que cela reviendrait à du gagnant-gagnant, ce que le Groupe de Kervern a toujours souhaité.

Si nous en venions à conclure cet accord, j'aimerais cependant que les syndicats appellent officiellement nos salariés à retourner au travail. Dans le cas de la solution proposée, nous serons capable de relancer l'ensemble de nos fabriques, mais nous voulons que les syndicats s'engagent à stopper ces mouvements sociaux.

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

C'est tout à fait compréhensible et cela me parait logique.
Toutefois, il conviendrait également que le groupe bloque l'achat de l'usine au Bengladesh pour ne pas alimenter la suspicion et le conflit social. Je ne doute pas de votre parole mais je me mets à la place des salariés qui doivent faire face à un contexte très difficile. La cessation de cette transaction serait à même de rassurer les salariés.

Concernant la somme, vous ne m'avez toujours pas énoncé votre besoin. Quel est-il ?

[François d'Escourt]

Une fois la décision validée par le comité directeur, j'annoncerai bien entendu l'annulation de l'acquisition de l'usine au Bangladesh. Dans l'attente de la confirmation de l'accord, cette acquisition est suspendue.

Au niveau de la finance, nous avons enregistré un résultat net de 18% en deçà de nos prévisions. Un pourcentage terrible qui représente une perte de 3 millions de Pluzins lors du dernier mois, et a généré une balance déficitaire de 10 millions de Pluzins. Et ce, malgré l'investissement de 25 millions de Pluzins effectué lors du rachat afin de remettre en état les plans de travail sur l'ensemble de nos usines. En outre, nous pensions atteindre le point mort d'ici Mai 2018, mais l'explosion de notre besoin en fonds de roulement associé au déficit commercial ne nous permettront pas de remplir cet objectif. Le Groupe De Kervern est prêt à injecter à nouveau 7 millions de Pluzins pour remettre les finances à plat. Nous sollicitons donc une aide de l'État à hauteur de 3 millions de Pluzins.

[Pierre Lazaridis]

Bien, je suis satisfait de voir que la direction de Gesca arrive à des compromis. Je regrette que la solution du temps de travail ne soit pas utilisée, car elle ne menace aucun emploi et permet à l'entreprise d'être dans le vert par une disposition légalement prévue.

Si cet accord est bel et bien scellé et qu'il n'y aura pas ni départs ni délocalisations je demanderai bien entendu aux grévistes de se remettre au travail. Vous savez, M. d'Escourt, ils aiment avant tout leur outil de travail. Je m'excuse si j'ai pu paraître violent, mais il faut savoir que dans la vie d'un ouvrier, son travail, c'est sa vie.

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

Louis-Damien se tourna vers un de ses conseillers qui hocha timidement la tete. Il dit alors :

- Partons sur 4 millions pour laisser une avance et un confort de tresorerie. Toutefois, s'il s'avère que l'accord n'est pas respecté, cet argent sera recupéré par l'Etat.

Louis-Damien donna ses notes à un conseiller puis il lui dit :

- Effectuez le compte rendu de la réunion et établissez le protocole d'accord, s'il vous plait. Monsieur d'Escourt, je vous propose de réunir votre direction et vos actionnaires au plus vite afin que l'accord soit signé avant le week-end. Je me chargerais personnellement de mettre en avant votre entreprise au salon de l'automobile. Je tiens à vous remercier pour votre présencz et votre ouverture. Les employés de Gesca se souviendront de cet accord qui nous évite un drame catastrophique.

[Pierre Ladan]

Depuis l'élection de Pierre, le Salon Aung San Suu Kyi était devenu le théâtre des rencontres avec le Ministre des Affaires Etrangères, Christian Valmont. Sur volonté du Président, la diplomatie était désormais gérée avec Alexandro Alessandrelli, qui en quelques semaines avait obtenu la confiance nécessaire à l'exercice de sa mission. Valmont étant affecté par des problèmes personnels, il lui fallait un remplaçant. Le Ministre était attendu par Pierre qui écrivait au stylo plume sur une feuille blanche d'un tracé fin et régulier. Quand Alexandro arriva, Pierre lui serra la main et l'invita à s'asseoir à côté de lui. Il avait toujours un style décontracté dans le Palais d'Anthelme, lorsqu'il ne devait pas s'exprimer ou faire une visite.

- Je t'en prie, installe-toi. J'étais justement en train de lister les différentes destinations dans lesquelles nous devrions nous rendre prochainement. Ton voyage en Belgique s'est bien passé ?

EL/ Pour des raisons de commodité, on anticipe les événements. L'action se déroule après ton retour de Belgique.

[Alexandro Alessandrelli]

Alexandro était revenu de son voyage diplomatique en Belgique. Un peu fatigué, celui-ci n’avait pourtant pas pris de temps pour lui. Il devait faire ses preuves et, il avait là l’occasion de concrétiser son rêve aux côtés du président de la République. Il était un grand admirateur de Pierre Ladan, il trouvait que cet homme reflétait le politique idéal pour le pays. Dommage que celui-ci n’avait pas pour ambition de briguer l’Hôtel Belley. Alexandro était arrivé à bord de sa voiture de fonction à Anthelme. Accompagné par un des conseillers du Président, Alexandro fait son entrée dans le salon. Il était stupéfait par le décor et l’ambiance qui y régnait à l’intérieur. Il rejoint aussitôt la table ou Pierre l’attendait, lui serra la main et prit place.

- Monsieur le Président, mon voyage en Belgique c’est effectivement bien passé. Les moyens que vous avez mis à ma disposition ont été utilisés à bon escient.
J’ai jugé bon par ailleurs d’octroyer à notre pays ami qu’est la Belgique une aide financière pour aider à la reconstruction de leurs pays. Selon le ministère de l’Économie Belge, les coûts des réparations avoisinent les 4 milliards d’euros.