Visite du président de la Cour Suprême

[François Bertrand]

C'était un soir du premier janvier de la nouvelle année. Comme à son habitude, avant les grands rendez-vous, François enfilait ses différents costards face au miroir de la chambre conjugale, en écoutant les conseils de son épouse.

"Je le trouve trop fêtard, celui-là.
- François, essayes donc le blanc. Il te va si bien je trouve. Et puis, il compense ton attitude trop austère.
- Tu as trouvé le mot chérie! Austère. C'est exactement ce qu'il me faut. Ou plutôt un truc sobre à porter, pour supplanter mes goûts vestimentaires au profit de mon expression faciale, du message que je souhaite transmettre"

Sa femme, Cynthia, savait qu'il était inutile de débattre avec son homme. Avec un sourire affectif, elle se contenta d'un signe approbateur, puis termina sa coupe de champagne assise sur le lit.

"Chérie, je vais rencontrer Hélène Le Menn aujourd'hui. Tu sais bien qu'on a de grands dessins pour la Frôce tous les deux. Je vais tout faire pour les accomplir"

Cynthia naviguait sur son iPhone avec son pouce. Elle répondit ensuite à son mari :

"Qui c'est Nicolas Deschanel et Pierre Reynaud? Ils m'inquiètent un peu, quoique ce Deschanel s'inscrit totalement dans nos idées. Nous devrions sans doute prendre contact avec lui, pourquoi pas. Par contre, Reynaud, il me fait un peu peur. Il a l'air d'être plus critique et doté d'une puissance intellectuelle qui risque d'ébranler notre pouvoir en rassemblant à ses côtés trop de partisans fanatiques.
- Oh ne t'inquiètes pas chérie, il ne fera pas long feu. J'ai lu son premier article, il va très vite se faire passer pour un facho. Personne ne voudra adhérer à ses idées et il terminera dépressif jusqu'à sa mort. Je maîtrise la situation, le peuple est suffisamment manipulé pour préférer les émissions de Cyril Hanouna ou les émissions d'Arthur au détriment des livres critiques sur l'oligarchie mondialiste. D'ailleurs j'ai rencontré Jacques Attali ce mardi. Il m'a réconforté sur sa blague un peu trop explicite diffusée sur Youtube! Il m'a dit que les propos sur Christian le chrétien, manipulé par Moshe le juif, dans une affaire de transaction financière, ne feraient pas grand bruit et que nous réussirions malgré tout nos combines sans que le peuple ne soit au fait des corruptions qui existent.
Valbonesi, qui est en vacances à Ryad, m'a d'ailleurs témoigné de sa sympathie, en plus de son réconfort.
- C'est parfait alors, mon amour. Mais quand est-ce que tu représenteras ta candidature à la présidentielle? Tu le sais, je t'ai toujours imaginé président de la République. Et en tant que tel, j'ai toujours été persuadé que tu ferais de grandes choses. As-tu perdu ton ambition?
- Toi aussi? Faut dire que ça a marché. Je n'ai pas l'intention de me présenter à une élection présidentielle, pour au moins très longtemps. Je préfère attendre le retour, inévitable, à une démocratie représentative. Dans cette élection future, il n'y aura plus de Vincent Valbonesi ou de George Montgomery pour me barrer la route, je serai inévitablement élu.
- Je devrai donc attendre longtemps, si je comprends bien.
- Comme dirait l'autre, "patience et longueur de temps font plus que force ni que rage".

La berline garée sur le perron du Palais d'Anthelme, François en sortit sur l'invitation d'un officier d'honneur aux gants blancs venu lui présenter à la cheffe de l'Etat provisoire.

"Bien le bonsoir Mme Le Menn. J'espère que vous arrivez à gérer votre stress. Pour en avoir cotoyé, je sais que le rôle de chef de l'Etat n'est pas si aisé. Pour tout vous dire, le premier, Thibaut Arthuis, m'avait confié avoir du mal à appliquer les idées qui l'ont fait élire. J'espère qu'il n'en sera pas ainsi pour vous"

Il disait ce qu'il ne pensait absolument pas. Il s'en moquait, il attendait d'avoir l'entrevue tant souhaitée avec la présidente pour discuter du mandat qui allait se dérouler.

[Hélène Le Menn]

Alors qu'elle se démenait pour composer un gouvernement qui tienne la route, Hélène Le Menn fut tiré de ses pensées car un membre du Secrétariat de la Présidence lui annonça que François Bertrand, le Président de la Cour Suprême était dans le salon présidentiel à attendre une entrevue avec la Présidente par Intérim. Elle soupira puis marmonna quelque chose et se leva pour aller accueillir le Président de la Cour Suprême.

Monsieur Bertrand ! Que me vaut le plaisir de votre visite assez tardive ? J'aimerais beaucoup que vous soyez bref dans votre requête car j'ai beaucoup de travail actuellement.

Hélène tendit son bras afin d'échanger une poignée de main avec Bertrand.

[François Bertrand]

Après la poignée de main courtoisement républicaine qu'il avait faite avec la présidente, le président de la Cour Suprême boutonna son costume et s'assied, affichant un air respectueux et humble.

"Je vous remercie de me recevoir aussi tard madame la présidente"

Il jeta un coup d'oeil sur sa montre, puis fixa aimablement Hélène Le Menn du regard :

"Je tenais tout d'abord à vous féliciter pour l'appui populaire que vous avez su réunir à vos côtés. C'est formidable, le peuple vous soutient et vous faîtes pour le moment du bon boulot.
Il est évident qu'en tant que leader, je le dis très pudiquement, de la droite républicaine, je me devais de vous témoigner de mon soutien pour cette période transitoire. Il est hors de question pour la base militante de l'UDR de renier votre légitimité à diriger le gouvernement provisoire que vous venez de former"

Sortant de sa chemise un dossier, il enfila ses lunettes et montra son intérêt à la lecture de la liste qu'il avait en face de lui.

"Les choix que vous avez fait sont excellents. Sandrine Betieu se montre volontaire et engagée. Reconduire des ténors de la vie politique est un gage de sûreté et promouvoir de jeunes novices leur laisse la possibilité de prouver ce dont ils sont capables. Je dois le dire, vous avez été perspicace madame la présidente"

Rangeant son dossier, il croisa ses jambes et fixa à nouveau du regard la cheffe de l'Etat :

"Passons aux choses sérieuses. Je dois vous dire que la Cour Suprême est prête à faire son travail. Une fois que nous aurons à disposition le Code Électoral et qu'il sera promulgué selon les règles prescrites par la Constitution, mon équipe se chargera d'élaborer un calendrier électoral afin d'engager au plus vite une élection présidentielle à même de légitimer la souveraineté populaire du futur chef de l'Etat. Ce texte est, me semble t-il, en train d'être finalisé. Sauriez-vous quand il sera disponible ?"

Écoutant la réponse d'Hélène Le Menn, François déverrouilla son Blackberry Bold et afficha l'application tweeter. Il était ravi du commentaire de Louis-Damien Lacroix de Beaufoy, le mari de la présidente, qui condamnait le dernier article de Pierre Reynaud. Il pensait discrètement que les adjectifs de facho et d'antisémite ne tarderaient pas à fuser, au détriment de la conscience critique des citoyens. Il appréciait le sionisme affiché de Louis-Damien qui était de droite libérale. Il regrettait cependant le non retour de Jean-Baptiste Marshall qui, du fait de ses origines, défendrait sans conditions l'Etat d'Israël. Et, il s'étonnait de l'absence de réaction de Benjamin David Israël McGregor Liebermann. Affichant un sourire narquois, il continua :

"Madame la présidente, vous avez bien fait d'éradiquer l'Action frôceuse. Et je soupçonnerais même le blogueur Pierre Reynaud d'en être un hériter masqué, au vu de ses idées clairement antisémites et provocatrices. Vous dîtes comment déjà ? Pas de fachos dans les quartiers, pas de quartier pour les fachos"

[Hélène Le Menn]

Hélène parut agacée de voir François pianoter sur son téléphone alors qu'il avait demandé un rendez-vous tardif auprès d'elle. Elle essaya donc d'en faire fi...

Monsieur Bertrand, je suis ravi d'entendre que la Cour Suprême est sur le pied de guerre. Votre objectif principal est de préparer rapidement mais efficacement le prochain procès de Mme de Trastamara et de son ancien Gouvernement, ainsi que d'éventuels collaborateurs, qui ont mis en place un retour à une monarchie absolue. C'est votre objectif numéro UN, après la mise en place du calendrier électoral en respect de la Constitution, afin de "tourner la page" officiellement et de permettre à la Nation de continuer d'aller de l'avant.

Voyant François quitter ses yeux de son BlackBerry, Hélène parut plus conviviale et continua.

Concernant le Code Electoral, il devrait prêt pour ce week-end au plus tard. Dès que je l'aurais reçu, je promulguerais dans la foulée. Et la Cour Suprême devrait impérativement mettre en place un nouveau calendrier électoral, respectant les points de la Constitution concernant ce fameux calendrier. Voilà donc votre travail principal pour les prochains jours.

Avez-vous d'autres questions à me faire part ?