Visite du Premier Ministre

[Marc de St Imberb]

L'homme écouta le PM avec attention. A la fin, il agrippa un garde par le torse, fouilla son sac à dos et en sortit une ventoline, qu'il tendit à Crawford.

- De très bonne humeur, sauf quand il voit Bertrand à la télé. Et d'une manière générale, plus tôt vous serez devant vous, de meilleure humeur il sera.

[Alexander J. Crawford]

- Merci pour la ventoline.

Crawford plaça l'inhalateur et inspira à deux reprises. Son visage laissa entrevoir un profond soulagement. Le groupe entra dans la Mairie pour être escorté au bureau de Saint-Imberb.

[Marc de St Imberb]

Crawford, accompagné de sa clique, fut amené dans le plus grand bureau de la mairie. La pièce aux volets fermés étaient éclairée par deux lampadaires et une lampe de bureau. Marc de St Imberb fumait un cigare, les pieds sur le bureau. Il se redressa et mit "pieds à terre" pour accueillir les nouveaux venus. Il était relativement calme et savait que dans le tiroir de son bureau se trouvait un beretta, au besoin.
Le PM entra, suivi de ses gardes. Environ huit imberbistes fermaient la marche. La grande pièce était presque remplie et sentait déjà le chacal à cause des indépendantistes poilus.

- M. Crawford. Asseyez-vous. Ça va bien ? Au calme ? Un café ?

[Alexander J. Crawford]

Difficile pour Alex de se dire que face à lui, il avait un homme à qui il avait fait confiance et qui l'avait trahi. Difficile aussi pour lui de savoir si son interlocuteur n'allait pas lui faire une nouvelle entourloupe. Il le salua, un peu distant, malgré lui et répondit :

- Ca va. Un de vos hommes m'a donné de la ventoline, c'était aimable de sa part. Pas de café pour moi, ça me donne mal à la tête. Nous voilà face à face, autrement que dans un débat télévisé. Avant de poursuivre, j'aimerais savoir si je dois m'attendre à un nouveau coup de couteau dans le dos de votre part...

Non il n'avait pas oublié et le lui faisait savoir.

[Marc de St Imberb]

- Coup de couteau... Ah vous parlez de cette histoire de gouvernement ? Ne comptez pas sur moi pour m'excuser, j'en suis très fier. Mais vous ou quelqu'un d'autre, c'eut été pareil. Pour être franc, ça m'a désolé que ça soit tombé sur vous... j'aurais préféré un vrai faux cul comme McGreggor ou Nakamura, un de ceux qui étaient bien content que je sois là à l'époque puis qui m'ont laissé tombé comme une merde. Je voulais, à travers cet acte, blesser à la fois la gauche et françois bertrand, vous saisissez ? Un café ?

Marc saisit la cafetière posée sur le bureau, et se servit un gobelet qu'il but devant son interlocuteur pour lui montrer que non, rien n'était piégé.

- Mais vous avez insisté auprès de Bertrand pour vous déplacer en personne. La vérité, c'est que vous avez du mal à vous faire à l'idée que notre relation puisse en rester là, parce qu'au fond vous m'aimez bien.

[Alexander J. Crawford]

Crawford haussa un sourcil et répondit :

- Si vous le dites. Je ne vous savais pas psychologue... Non, pas de café, merci.

Il marqua une courte pause et enchaîna, méfiant :

- Ce qui est fait est fait. Nous ne pourrons pas revenir dessus. Je suis venu ici parce que je cherche à éviter des affrontements et aussi parce que je suis préoccupé par les conditions de vie des habitants. J'aimerais comprendre vos raisons, vos motivations, celles qui vous ont conduit à vouloir détacher Tosla de la Frôce.

[Marc de St Imberb]

- Vous connaissez l'histoire de Tosla ? Tosla a longtemps été une monarchie indépendante, avec un très fort sentiment national. Un Etat gouverné par ma famille jusqu'au XVIe siècle, puis par divers administrateurs frôceux, mais avec un statut particulier. Aujourd'hui, les Tosliens réclament une reconnaissance de leur spécificité.

Ne vous inquiétez pas pour les habitants. Je n'ai pas donné de consigne de couvre feu, ni de pointage, ni de rationnement, ni rien. Les hôpitaux et tous les services publics sont restés ouverts. Cependant la vie ne risque pas de durer aussi bien pendant longtemps, si la Frôce a toujours cette attitude hostile.

[Alexander J. Crawford]

- L'hostilité ambiante a découlé du manque de communication et de la brutalité avec laquelle les changements se sont opérés. Beaucoup de gens n'ont pas compris ce qu'il se passait ni pourquoi ça se déroulait ainsi. Je regrette que nous en soyons arrivés là. J'aurais préféré que les choses se fassent de façon moins abrupte.

Il caressa sa barbe et ajouta songeur :

- Je suis prêt à voir avec vous pour une reconnaissance d'un statut particulier, mais Tosla doit rester frôceuse et votre reddition est nécessaire avant toute chose. La place de cette ville est en Frôce, dans l'unité de notre Nation. J'ai vu le drapeau. Si vous recherchiez l'indépendance, vous l'auriez fait enlever. Pourquoi avoir déclaré une sécession dans ce cas ?

[Marc de St Imberb]

- On a voulu marquer les esprits. Depuis des décennies, les Tosliens réfléchissent à leur statut, et tout le monde en est arrivé à la conclusion d'une indépendance totale est impossible. Par conséquent, un statut particulier au sein de la Frôce nous convient. Mais comment croire la Frôce qu'une fois le calme revenu, la DRI se m'exécutera pas dans un caniveau ?

[Alexander J. Crawford]

- Je suis venu avec des hommes de la DRI, le protocole habituel dans ce genre de situation. Ils sont là tous les quatre. Je leur ai demandé de ne pas porter d'armes ce que vos hommes ont pu vérifier. J'ai l'intention de trouver une issue pacifique à tout cela, pas de faire couler le sang. Et il en va de même pour le Gouvernement et le Président. Personne ne vous tirera dessus dans un caniveau ou ailleurs. Je vous donne ma parole, si à vos yeux, elle a une quelconque valeur.

Crawford le regarda un court instant et ajouta :

- Mais autant être sincère avec vous, il y a des chances pour que des poursuites soient engagées à votre encontre, je ne sais ce qu'a l'intention de faire le Président à ce propos... Je peux essayer d'argumenter en votre faveur, mais je ne peux pas vous faire de promesse, là ce n'est plus moi qui décide.

Il secoua la tête.

- Vous savez ce qui me navre le plus ? Le fait que nous n'ayons jamais pu avoir ce dialogue auparavant. Taper fort était une erreur, vous ne m'appréciez peut-être pas mais je suis quelqu'un de franc et d'ouvert. Je suis venu, malgré les réticences de mon camp et mon entourage, malgré mes doutes à votre encontre. Pas pour faire de la figuration mais pour discuter. Vous auriez pu faire la même chose. Bref... parlons du statut, avez-vous réfléchi à quelque chose en particulier ?

[Marc de St Imberb]

- J'en ai marre de me faire balader depuis des années dans des ministères poussiéreux. On m'aurait pris pour un gentil rigolo si j'en avais parlé calmement.
Concernant Tosla, vous venez parlementer alors que vous ne savez même pas ce qu'il m'arrivera en cas d'issue pacifique ? En clair, vous me demandez donc d'être pacifique alors que vous ne savez pas ce qu'il risque de m'arriver ? J'ai peur de ne pas saisir.

[Alexander J. Crawford]

Alex opina du chef. Puis il proposa :

- Je comprends. Ecoutez, je vous propose quelque chose. M'accordez-vous l'autorisation de téléphoner au Président de la République afin de discuter de cela ? Vous avez raison, il va être difficile d'avancer sans savoir ce qui va se passer par la suite vous concernant. Comprenez que je ne peux prendre moi-même de décision. Mais je peux argumenter en votre sens et c'est que je vais faire.

Il sortit son téléphone de sa poche, attendant l'autorisation de Marc.

[Marc de St Imberb]

- Vas-y, mais tu mets sur haut parleur.

[Alexander J. Crawford]

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EL/ Je me permets de faire les dialogues, mais François, tu peux éditer si ça ne te convient pas.

Alex composa le numéro du Président de la République et activa le haut-parleur en posant le téléphone devant lui. L'intéressé décrocha :

- Bonsoir Monsieur le Président. Je suis à Tosla, comme convenu, en direct de la Mairie, en pleine négociation avec Monsieur Saint-Imberb.

- Bien. Et comment cela se passe ?

- Hum... à vrai dire cordialement... c'est... assez inattendu.

- Très inattendu en effet.

- J'ai proposé un statut particulier pour la ville de Tosla en échange de l'annulation de la sécession. Nous allons discuter des termes de cela avec Monsieur Saint-Imberb. Mais au préalable, il y a un élément que nous avons besoin de clarifier.

- Je vous écoute.

- Il m'a été exposé les raisons pour lesquelles les événements se sont déroulés ainsi. Monsieur Saint-Imberb s'est montré particulièrement prévenant et paisible à notre égard. Il souhaiterait que rien ne lui arrive à l'issue des négociations.

- Ben voyons ! C'est facile ça, tiens !

Alex leva les yeux vers Marc et lui fit un signe de la main pour le laisser poursuivre :

- Les intentions de Monsieur Saint-Imberb sont pacifiques, bien que cela soit inattendu. La population ici est libre de ses mouvements, il n'y a aucune maltraitance que j'ai pu constater, ni aucune directive autoritariste. Nous n'avons subi aucun mauvais traitement, au contraire, on m'a même fourni de quoi apaiser mon asthme. Le plus crucial est de parvenir à un accord pour éviter un affrontement. Ce qu'il s'est passé entre vous deux ne me concerne pas, mais je suis intimement convaincu que Monsieur Saint-Imberb a été sincère dans notre échange. Ce ne serait pas la première fois que nous oublions des actes au nom de l'intérêt commun.

Il y eut un silence de quelques secondes. Bertrand finit par dire :

- Une réhabilitation se mérite. Je consens à l'accorder mais à une condition.

- Laquelle ?

- Son aide concernant l'URJF. Vous avez les informations sur le sujet, exposez-les lui. S'il accepte de nous aider, alors considérez qu'il restera un homme libre. S'il refuse, qu'il assume ses actes. Tenez-moi informé. Et précisez-lui bien que s'ils touchent à l'un d'entre vous, je ferais le nécessaire.

Il raccrocha, vivement. Alex resta silencieux et rangea son téléphone. Bertrand en avait de bonnes ! Il reprit simplement :

- Ecoutez... j'ai beau avoir une raison de vous détester, je crois que vous avez raison, j'ai également tenu à venir parce que malgré ce qu'il s'est passé, je vous apprécie. Je ne pense pas pouvoir obtenir plus du Président... et je crois sincèrement qu'il faut vous en contenter. Le Gouvernement travaille actuellement sur l'incendie de la Grande Mosquée de Chouchenn. Nous avons de forts soupçons sur une branche radicale qui serait liée à l'URJF. Ce ne sont que des soupçons, pour l'instant les enquêteurs cherchent des preuves tangibles mais ils nous ont indiqué être sur la bonne voie. Nous avons besoin d'informations sur le sujet. Vous pouvez surement nous aider à isoler ces criminels. Notre démarche ne se situe pas dans l'antisémitisme, nous ne montrons personne du doigt. Nous voulons simplement assurer la sécurité de tous. Dimanche aura lieu une manifestation à laquelle vous allez probablement participer. Nous ne vous demandons pas de renoncer à votre présence, même si j'estime personnellement que vous y gagneriez. Ce que vous auriez à faire, c'est nous fournir des informations sur ce que vous savez de l'URJF, si d'éventuelles personnes extrémistes qui gravitent autour d'elle. Votre identité ne sera pas révélée au public sauf si vous y tenez, mais seulement après que la lumière ait été faite sur l'affaire. Qu'en pensez-vous ?

Crawford attendait la réponse de Marc qu'il espérait favorable. Parce que dans le cas contraire, il savait que les choses allaient s'enliser voir se dégrader... il n'y tenait pas particulièrement.

[Marc de St Imberb]

- Je trouve ça un peu gros que François Bertrand se permette d'exiger encore des choses de moi. Parce que bon, en soit moi j'aime bien faire des vagues, j'aime bien qu'on parle de moi et j'aime bien avoir un beau bureau, mais j'ai horreur d'être battu à des élections, et surtout par cet énergumène. Laissez moi prendre conseil.

Marc se leva et se retira dans une pièce attenante. Il discuta avec un proche conseiller.

- Mais qu'est-ce qu'il veut de plus, ce bureaucrate, mes couilles sur ton pif pour que ça fasse un dindon ? Hein ? Merde !

Marc revint dans le bureau.

- Je n'ai pas d'informations sur les attentats de la mosquée. Mais au CRA, c'est un secret de polichinelle que c'est la LDJ. Je pourrais tenter d'obtenir d'autres infos mais je ne pense pas que Mme Benayoun me fasse confiance.