Les élections sont-elles inutiles ? par Keyser Baur

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Hector Coen
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Les élections sont-elles inutiles ? par Keyser Baur

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Les élections sont-elles inutiles ? Tribune de Keyser Baur

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31 Octobre 2014. Le Président de la République, François Bertrand, annonce qu'il sera interrogé lors d'une conférence de presse sur "des questions d'actualité", "l'avenir de l'alliance entre la gauche socialiste et le centre démocrate", mais aussi "la candidature de Thomas de Kervern".

Cela semble incroyable. Et pourtant, cela s'est réellement passé. Comme un dictateur d'une obscure république bananière, comme le guide d'une nation qui n'accepte qu'un parti ou une pensée unique, comme le capitaine d'une exoplanète qui ne connaît pas le curieux concept de démocratie, François Bertrand a annoncé qu'il se prononcera au sujet de la candidature du seul autre prétendant à Anthelme.

Les messages des chefs d'Etat à la nation sont des moments relativement rares et solennels, qui sortent du lot par leur volonté d'indiquer une direction à suivre, ou par leur ambition à faire passer un message d'unité et de rassemblement. Comment en est-on arrivés, en Frôce, à ce qu'une simple candidature à des élections puisse ainsi faire l'objet d'une intervention télévisée ? Thomas de Kervern est-il la réincarnation d'Adolph Hitler, représente-t-il un danger tel pour le pays qu'il faille absolument, en tant que Président, avertir la population à son sujet ?

Ce simple communiqué de presse démontre une chose sur le régime politique frôceux tel que nous le connaissons : sans rentrer dans le débat sur la légitimité de l'existence de la démocratie directe, nous pouvons en revanche affirmer que notre système actuel a mis en place une sorte d'union nationale de gouvernement, qui semble de plus en plus immuable au fur et à mesure que le temps passe. A priori, rien de bien grave : le peuple est toujours consulté pour chaque projet de loi. Et pourtant, quelque chose saute aux yeux : au sommet de l'Etat, rien ne change. Comme si la démocratie directe avait mis en place un plébiscite permanent vis à vis du pouvoir en place. Cela ne vous rappelle rien ?
En bref, en permettant au peuple d'avoir le dernier mot sur chaque projet gouvernemental, notre système a aboli l'utilité des élections. Il a fait comprendre aux frôceux que, "peu importe qui est au pouvoir, c'est vous qui avez le dernier mot". Comment sommes-nous arrivés au point que nous pouvons nous désintéresser de savoir qui possède le pouvoir exécutif dans notre pays ?

Le peuple est consulté, certes. Mais si notre système a mis en place une immuabilité de gouvernement, si notre régime politique a fait en sorte qu'une autre candidature démocratique que celle soutenue par les dirigeants en place paraissent incongrue, nous sommes en droit de nous poser de sérieuses questions. Si les élections sont inutiles, dans ce cas comment des projets nationaux structurels autres que ceux voulus par le pouvoir en place pourraient-ils avoir une chance de voir le jour ? Comment un échiquier politique pourrait-il être utile ? Comment ne pas faire le rapprochement entre le système actuel et la monarchie que nous avons connue, en sachant que les actuels projets constitutionnels sont de supprimer le poste de Premier Ministre au profit d'un Président-monarque qui règnerait avec, en plus, un droit de veto ? En bref, comment être surs qu'en ayant voulu s'éloigner au maximum de la dictature, notre système démocratique s'en soit en fait rapproché ?
Keyser Baur,
Membre de la Cour Suprême,
Magistrat
Directeur de la chaîne de télévision TV8
Président de l'Institut Médiasera de Sondages
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