Frôce - Archives V3

C'est dans cet appartement du centre de la ville qu'habitait Félicien Carles-Petite, jeune entrepreneur très bien riche. L'appartement faisait également office de siège social pour bon nombre de start-up que Félicien avait créé, dont beaucoup déjà revendues, parfois une bouchée de pain.

Ce jour-là, Félicien rentra chez lui après avoir passé la journée à coder le site internet de "Réformer !". Il alluma la télé, et tomba directement sur une interview du Maire de la ville, un député-maire-chef de parti-président de l'Assemblée. L'image même du cumulard dont "Réformer" était l'ennemi intime, sans que la classe politique en soit même au courant. Félicien ressentit un frisson rien qu'en imaginant le tremblement de terre qu'il allait envoyer dans tout ce petit monde.

Plus qu'un mois exactement à attendre avant la fin du mandat de ce maire. Largement de quoi gagner la capitale.

Félicien se jeta dans son canapé, avec à la main la première version du programme de "Réformer!", enfin aboutie. Il relut le projet, puis ricana. Le reste de la classe politique ne le savait pas encore, mais ils avaient affaire à quelqu'un qui était bien parti pour les ringardiser, tous autant qu'ils étaient. Gauche, droite, centre, tous ces politiques étaient déjà dépassés.
Mais se positionner en solitaire n'était pas forcément la plus évidente des solutions pour son avenir politique. Comment trouver des alliés sans pour autant trahir les idées du mouvement ? Il fallait trouver des personnes charismatiques, talentueuses, intelligentes, avec qui tracer une route politique... Jusqu'au pouvoir.
Sur ces réflexions, Félicien s'endormit, smartphone à la main.

Félicien sortait de la douche. Il sécha son corps musclé à l'aide d'une serviette volée dans un Hilton, puis s'habilla d'un élégant costume, à son habitude. Après un coup de rangement dans son appartement, il s'installa dans le canapé, télécommande à la main. Il alluma la télévision, et zappa de chaîne d'infos en chaîne d'infos.

Ce soir, c'était l'élection du Président de la république, mais plus grand monde n'y prêtait attention. Ce poste était devenue une sinécure pour retraité de la politique... Impossible de comprendre comment Ladan avait pu se fourrer là dedans aussi jeune. Impossible de faire bouger les choses, désormais, depuis Anthelme.

Félicien attendait une jeune femme qui l'avait contactée pour participer activement à "Réformer!". C'était une bonne nouvelle : le mouvement manquait cruellement de réels experts de l'action publique, et Félicien était sûr que cette Apolline de Maraval allait l'épauler avec brio. Si, en plus, le jeune Valbonesi rejoignait le mouvement d'ici quelques semaines... "Réformer" serait prêt à tout rafler au niveau national.

Vêtue de son plus élégant tailleur D-Squared, Apolline se présenta devant la porte d'entrée du logement de Félicien, un brin anxieuse d'enfin rencontrer cet homme qui l'avait grandement impressionnée à la télévision. Elle regarda l'heure sur sa montre Dolce Gabbana : super, elle avait cinq minutes d'avance. De quoi faire bonne impression auprès de son hôte du soir. Elle rabaissa la jupe de son tailleur, très moulante, qui remontait légèrement trop haut, puis sonna à la porte.

Driiiiiiiiiiing !

Félicien se leva du canapé en entendant la sonnette, puis alla ouvrir la porte. Il se retrouva face à une femme grande, belle, blonde, aux formes avenantes. Félicien lui serra la main.

"Bonsoir ! Entrez, entrez. C'est un plaisir de vous recevoir. Assez-vous dans le canapé, je vous en prie, j'ai préparé des petits fours. Que désirez-vous boire ? Martini, porto, Champagne, whisky ?"

Félicien prépara la demande de son invitée dans la grande cuisine américaine, puis retourna dans le salon.

"Bien, alors dites-moi tout. Parlez-moi de vous, de vos convictions, de vos passions... De vos idées pour "Réformer!", même si j'aimerais bien sûr mieux vous connaître... Personnellement, avant toutes choses."

Félicien essayait de ne pas se laisser distraire par la ligne du haut des collants d'Apolline, qui affleurait discrètement.

Apolline enleva la veste de son tailleur, laissant apparaître un haut bien moulant. Puis elle se rapprocha légèrement de Félicien sur le canapé.

Eh bien, je suis une jeune femme ambitieuse originaire de Deux-Châteaux où j'ai toujours vécu. Je me passionne pour beaucoup de choses mais l'amour de ma ville et du patrimoine de ma région priment sur le reste.

Elle but une gorgée de la coupe de Dom Pérignon que lui avait servi Félicien.

Vous savez, j'ai été très impressionnée par votre prestation à l'Assemblée Nationale. Heureux hasard, moi qui ne regarde quasiment jamais l'hémicycle à la télévision... C'est ce qui m'a donné envie de m'intéresser à vous et m'a fait connaître Réformer !.

Elle but une seconde gorgée de champagne puis prit une olive verte.

Je ne vais pas y aller par quatre chemins, je suis très intéressée par l'offre politique de Réformer ! et je compte intégrer votre mouvement. Bien que je sois jeune, bien que je sois une femme, je préfère être honnête en vous disant que je souhaite devenir une personnalité politique de premier plan.

Elle but cul-sec le reste du champagne et posa la coupe énergiquement sur la table basse.

Donc concrètement, cela signifie que si j'étais amenée à intégrer Réformer !, je ne pourrais pas me contenter de jouer les seconds rôles. Je voudrais être l'une des figures du mouvement. Est-ce que je dois m'arrêter là ou est-ce que cela vous conviendrait ?

Félicien finit son whisky.

- Vous avez presque autant de culot que moi, j'aime ça ! Bien entendu, vous n'aurez pas un second rôle au sein de "Réformer!". Vous serez, tout comme moi, à la tête de notre mouvement, et bien placée à chaque élection. Vous avez ma parole.

Félicien se resservit un verre.

- Comment voyez-vous le futur proche de notre mouvement ?

Apolline se resservit un verre sans demander.

Ayons un peu d’ambition. Je nous verrais bien rafler un grand nombre de sièges lors des prochaines législatives. Le système politique actuel est à bout de souffle et un bon coup de jeune ne fera pas de mal aux Frôceux. À moins que les Frôceux ne soient des cons, chose que l’on peut se demander quand on voit que le NFP fait partie du gouvernement.

Elle prit une poignée de bretzels Ansel.

Moi je nous vois être à la tête d’un grand rassemblement. Aucune bonne volonté ne doit être écartée du moment qu’elle accepte notre manière innovante de faire de la politique. Pour les autres… Je serais favorable à une épuration radicale. Et je ne vous cache pas que cette pimbêche de Nakamura risque de mal finir…

Elle sortit son paquet de Marlboro Gold de son sac Chanel.

Puis-je fumer ici ?

- Bien sûr, moi aussi je vais m'en griller une.

Félicien sortit un paquet de Benson, et alluma une cigarette. Très vite, les volutes de fumée envahirent la pièce.

- Notre mouvement intéresse déjà beaucoup de personnalités, alors même que nous ne sommes pas réellement constitués et que personne à "Réformer!" ne dispose d'un poste national. J'ai déjà été contacté par un des plus riches patrons de Frôce, qui nous soutient dans notre démarche. Sans compter du fils de Vincent et Alessandra Valbonesi, qui devrait nous rejoindre sous peu.
Il faut remplacer le vide laissé au centre-droit. Le centre comme le centre-gauche est occupé par des mous. Au centre-droit, on récupèrerait un électorat délaissé depuis des années, ou bien déçu par la gauche molle ou le centre inutile. On est en train de tous les ringardiser, et je sens déjà que, dans bien de mouvements, ils s'agitent.

Félicien se surprit à plonger, l'espace de quelques fractions de secondes, le regard dans le décolleté de son interlocutrice. Puis il reprit ses esprits.

- Hum. Ce qu'il faut, c'est se positionner à droite sans le dire. En gardant le changement de la vie publique comme cheval de bataille, bien sûr. Mais pour réussir cette stratégie, il nous faut des cadres dirigeants fiables, clairs, combatifs, compétents. Je suis donc très heureux de vous compter parmi nos rangs.

Apolline s'alluma une cigarette et fit des ronds de fumée.

Nous sommes sur la même longueur d'ondes. Se positionner au centre-droit, c'est exactement ce dont nous avons besoin. Le centre, c'est toujours la position facile. Difficile à cibler, difficile à remettre en question. Le centre est fort actuellement, et nous pourrions sûrement récupérer bon nombre d'électeurs de l'ADF lassés par ce parti poussiéreux. Une fois qu'on aura bien siphonné la base militante de ce parti, libre à nous de le ringardiser publiquement.

Elle tira une bouffée.

L'idéal serait de faire de la politique de droite en conservant cette étiquette de centre-droit. Comme ça, nous ne serions pas écartés d'un éventuel gouvernement en cas de victoire du centre. Vous avez acquis le soutien de l'un des plus grands patrons de Frôce, c'est bien. Mais nous ne devons pas nous arrêter en si bon chemin. Faisons donc de la prospection pour trouver de nouveaux soutiens de puissance, sans jamais médiatiser tout ça, sauf au moment voulu. Avec les grands de notre économie derrière nous, nous ferons à peu près ce que nous souhaitons.

Elle agita le haut de sa robe vers son visage pour se rafraîchir.

C'est moi ou il fait vraiment chaud chez vous ?

- Bien, je pense que nous serons, auprès des patrons, des VRP efficaces. Avec des possibilités de financements, d'impressions, de collages, de boitage, sans parler des médias, nous pourrons devenir aussi gros que l'ADF.
Il conviendra de se mettre d'accord sur des éléments de communication, en temps voulu. Je réunirai bientôt un comité de mise en place de la structure.

Félicien enleva un bouton de sa chemise.

- C'est vrai qu'il fait chaud. Je pense que cela vient des... Cerveaux en ébullition... Enfin cerveaux...

Félicien n'osait pas franchir le pas. Et pourtant, il fallait se lancer. L'esprit d'entreprendre, tout ça... Apolline serait sensible.

- Vous savez, Apolline... Une femme de votre charme et de votre détermination, aujourd'hui, combien y en a-t-il ? Elles se comptent sur les doigts d'une main. Je ne crois pas encore saisir la chance que j'ai d'avoir un doigt de cette main sur mon canapé...

Apolline ne se fit pas prier et tira Félicien par la ceinture.

Hihihi, vous me flattez Félicien... Vous êtes aussi exceptionnel, vous savez...

Elle approcha son visage au maximum de celui de Félicien.

Je devais me rendre à Norijo ce soir pour m'y détendre un peu... Vous ne voudriez pas m'accompagner ? J'ai réservé une somptueuse suite à l'Akkuas Hôtel...

Sans vraiment y penser, Félicien embrassa fougueusement la jeune femme, dans un tourbillon de saveurs qui mêlait whisky, tabac, rouge à lèvres et parfum de luxe...

- Je vous suivrais partout dans le monde, Apolline...

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343, Avenue de Wagram - Domicile de F. Carles-Petite

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