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Urumi Nakamura
J'ai toujours été amusée par cette manie chez certaines personnes de se trouver un maître à penser. La capacité des personnalités capables de mener l'Etat ne se mesure t-elle pas à leur sens de l'analyse et à leur conviction profonde plutôt qu'à leur compétence à réciter les écrits de Bourdieu ou Hayek ?
Quoi qu'il en soit, le devoir des personnalités politiques est d'être constructives, et je souhaiterais faire part de mes remarques sur les idées "hayekiennes" promues par Nicolas Deschanel, membre éminent du PUR.
Ici comme partout sur internet, on parle souvent du point Godwin, la référence au 3e Reich pour discréditer tout propos contraire. En Frôce, le point Godwin "mention Staline" a été popularisé durant les plus "belles" heures du néo-conservatisme en Frôce, décrivant la référence systématique aux crimes de l'URSS pour discréditer tout propos de gauche. Et on retrouve bien cet état d'esprit avec l’assimilation entre planification économique et mort des libertés individuelles (l'inverse est loin d'être vrai, Singapour étant un paradis pour libéraux économiques et un endroit tellement dur sur les questions d'ordre public qu'on la surnomme "the fine city", la ville des amendes).
Nul ne souhaite une planification intégrale en Frôce, donc quel est le sens du propos relayé par Nicolas Deschanel ? Le discrédit de tous ceux qui souhaitent le début d'une forme de planification, comme le contrôle des prix sur certains produits de première nécessité, en les associant aux pires heures d'un pseudo-communisme, le même procédé utilisé par tout bon néo-conservateur qui assène avec délice la phrase de Winston Churchill "Le vice inhérent au capitalisme consiste en une répartition inégale des richesses. La vertu inhérente au socialisme consiste en une égale répartition de la misère." au premier social-démocrate venu, oubliant que dans le contexte des années 1950 le terme socialiste décrivait bien plus des personnes proches de Staline que des personnes proches de George Montgomery.
Ce petit procédé de mauvaise foi rhétorique passé, intéressons nous au fond, avec la critique de la stimulation des années 1970 vantant la sagesse de l'absence d'aide de l'Etat. Les peuples grecs et espagnols apprécieront l'indéfinie sagesse du FMI et de l'Union Européenne qui les ont placés dans une situation intenable. Personne ne niera que la stimulation implique de dépenser plus que l’accoutumée, ce n'est pas pour rien qu'on la décrit comme de la croissance à crédit, mais cela ne répond pas à la question "En quoi un déficit est-il si grave en des circonstances exceptionnelles s'il nous permet d'éviter la misère ?". Qu'il est facile d'être individualiste quand la pauvreté n'est plus un risque.
Le texte posté nous avise également de toujours faire gare aux effets secondaires, c'est une posture qui se défend, mais qu'en est-il des causes qui nous mènent à penser qu'un bouleversement radical serait salutaire ? Doit-on laisser des pauvres mourir de faim au nom de la chasse à un demi-point d'inflation ? A ce que je sache, en médecine on ne refuse pas de soigner un cancéreux au nom des effets secondaires. L'audace est ce qui démarque les visionnaires des bons pères de famille. La Frôce n'a pas besoin d'un pépère qui fait sa sieste dominicale mais de visionnaires, beaucoup de personnalités de tous horizons mais toutes d'une détermination exceptionnelle ont tenté des bouleversements importants de notre système éducatif pour un résultat absolument exceptionnel (cinquième place mondiale), et c'est la même chose qui doit s'appliquer à notre économie. Faire de la Frôce l'étoile du monde plutôt que repomper un système qui ne fonctionne pas correctement, tel est notre objectif.
Le texte nous vante l'autorégulation des marchés, une autorégulation de telle qualité que des milliards ont dus être engloutis en 2008 et 2009 pour sauver le système bancaire d'une destruction pure et simple, milliards engloutis par une intervention de l’État tant honnie par les amis de monsieur Deschanel. Venant de ceux qui ont profité de cette intervention pour ne pas finir à la soupe populaire, un tel argument est d'un ridicule achevé.
Mais le clou du spectacle est le rejet de la notion de justice sociale, je me répète bien volontiers, qu'il est facile de se poser en grand méritocrate quand on n'a subi aucun revers de fortune. Que monsieur Deschanel vienne répéter son beau discours sur les valeurs du grand maitre Hayek dans une banlieue défavorisée d'Aspen Nord, je ne doute pas qu'il sera extrêmement bien reçu.
La justice sociale est nécessaire à la cohésion du peuple, ce sont les injustices que subissent les jeunes issus de quartiers difficiles qui ont motivé les émeutes de 2005 en France et de 2009 en Frôce, entre le bien-être du peuple et le respect de la pensée d'Hayek, je fais le choix du peuple frôceux. Parmi les personnes qui reçoivent des aides de l'état, combien de personnes ont perdu le fil de leur vie après un drame personnel, combien de personnes aux capacités prometteuses brisées par la maladie, combien de personnes capables de bien mieux qui subissent encore un errement de passage ? Votre maitre considère le bris de vies humaines comme une nécessité au bien-être d'un système qui a montré ses limites, je considère ces destructions comme un phénomène à résorber coûte que coûte.
Et cerise sur le gâteau, les personnes qui ne sont pas d'accord avec cette analyse sont ipso facto décrétées comme opposées à l'État de droit. Pour rappel voici la définition de l’État de droit par l'Organisation des Nations Unies : "L’ONU définit l’état de droit comme un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme.".
A en croire le texte publié par monsieur Deschanel, le fait de verser de quoi subsister à un SDF en prenant de l'argent à un pauvre milliardaire opprimé par les taxes et qui n'aura donc pas de quoi acheter sa onzième Ferrari viole l'application identique des lois. Outre le fait qu'aucun texte de l'ONU ne soutient sa vision des choses, on ne peut que constater les faiblesses de cette vue, contrairement à une loi discriminante, une personne peut relativement facilement "voyager" d'une catégorie de revenus à l'autre et contrairement à une loi dissimulée, chacun sait exactement à quoi s'attendre en matière d'aides et de taxation. On peut également constater en étendant ce raisonnement qu'aux yeux de monsieur Deschanel une voiture peut valoir plus qu'une vie humaine. Les ultra-libéraux, ça ose tout, c'est à ça qu'on les reconnait.
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