325, avenue de la Révolution - Siège de Médiasera

[Marie-Lou Benayoun]

Marie-Lou se trouvait dans la salle de détente, exclusivement réservée aux cadres de Médiasera. Une pièce très confortable, dotée de nombreux fauteuils et canapés, d'un écran LCD 120cm, du dernier modèle de cafetière Nespresso, d'une cave à vin, d'un bar doté de vieilles et rares bouteilles de bourbon, d'un coffre à cigares et d'un cadre arborant le portrait de Thomas de Kervern, nouveau dirigeant de Médiasera. Munie de l'exemplaire de Médiasera sorti aujourd'hui dans les kiosques, Marie-Lou s'assit dans un canapé bien confortable et se remit à lire, non sans fierté, son article choc dévoilant les dessous du succès d'Adam Sander aux élections présidentielles.

[Thomas de Kervern]

Thomas arriva alors dans la pièce, l'air passablement énervé. Sur le point de se servir un verre de Glenfiddich, il s'aperçut que Marie-Lou était présente également, dans un canapé à l'autre bout de la salle. Il fut d'emblée agacé par l'air de satisfaction qui se traduisait sur le visage de la belle et jeune journaliste. Il se précipita vers elle et lui ôta brusquement l'exemplaire de Médiasera qu'elle était alors en train de lire. Il jeta ce dernier derrière lui.

"Toi ma petite, tu vas avoir de sérieux comptes à me rendre. Je suis vraiment en colère !"

[Marie-Lou Benayoun]

Marie-Lou parut étonnée face à la réaction de son patron...

"Mais de quoi parles-tu ? Pas de l'article au moins ?"

[Thomas de Kervern]

Thomas de Kervern devint tout rouge et donna un violent coup de pied dans le canapé où était assise Marie-Lou.

"A ton avis ? Petite imbécile ! Mais qu'est-ce qui t'a pris de publier cet article ?! Surtout maintenant ?! A cause de toi, je vais devoir rappeler l'ensemble des exemplaires de Médiasera ! Tu te rends compte de ce que ça va me coûter ?! Oh ! Tu as de sérieuses explications à me fournir ! Non seulement tu vas me faire perdre des dizaines de milliers de Pluzins mais en plus à cause de toi, Médiasera va totalement perdre sa crédibilité... Comment as-tu pu être aussi amatrice ? Tu sais très bien qu'il est interdit de publier ce genre d'article pendant les votes, non ? T'imagines un peu la polémique que ça va créer autour du journal et autour de moi-même ? Comment as-tu pu dévoiler des informations secrètes sur ton propre employeur comme cela ? Tu as voulu me saboter ou quoi ? Vite, une explication. Sinon tu dégages illico !"

[Marie-Lou Benayoun]

Marie-Lou prit un air grave voire agressif et se leva pour faire face à Thomas.

"Dis-donc toi, tu vas me parler plus calmement, avant toute chose. Déjà, je te rappelle que c'est mon père qui a mis une partie de l'argent pour racheter ce foutu canard. Donc je pense que j'ai aussi mon mot à dire. Tu as beau être directeur, je reste influente car ma famille détient une partie des capitaux de Médiasera. Tu ne voudrais tout de même pas que je dévoile les caisses noires entre les sociétés Benayoun et celles de ton père, hein ? Bon, pour l'article, tu me sous-estimes un peu. Il va nous faire une énorme publicité auprès du peuple, je peux te le garantir. On va prouver à tous notre crédibilité. Car les concernés ne pourront plus démentir, tu vois ? Je peux te dire que nos ventes vont exploser à la suite de l'affaire. Et globalement, on ne risque rien. Il ne s'agit que d'une simple contravention. Au pire, on paiera. Je paierai si tu le souhaites. Fais-moi confiance, c'est du tout bon pour nous ! J'étais obligée de dévoiler que la droite a participé à l'alliance, question de crédibilité. Tu comprends mieux là ?"

[Thomas de Kervern]

Thomas recula, surpris par l'énergie soudaine dont fait preuve Marie-Lou.

"Pfff... Bon ton argument tient la route. Cependant, tu aurais pu, et dû m'en parler avant de prendre une telle décision. Je suis le patron quand-même non ? Ce genre de stratégie est à prendre en concertation de l'ensemble de l'équipe dirigeante du journal... Et évite de me faire du chantage avec le pognon de ton père OK ? Officiellement, le groupe de Kervern est propriétaire des parts à 100%. Donc ne cherche pas, tu finiras perdante si tu essayes de faire valoir l'aide financière de ton père. Surtout qu'on a prévu de lui attribuer régulièrement un retour sur investissement... Ta famille serait perdante Marie-Lou. Bon maintenant, il va falloir réparer tout ça. Tu vas porter le chapeau face à Giard et payer l'amende d'accord ? De mon côté, je vais faire en sorte que ce crétin de Giard soit lourdement puni pour s'être attaqué à Médiasera. Il va finir à poil dans la rue ce chien. On va le dépouiller jusqu'à ce qu'il perde tout... Son travail, son argent, sa famille, sa dignité..."

[Vyacheslav Vedernikov]

Vyacheslav s'était levé tôt après avoir passé la nuit sous un pont. Il avait pris une douche en fraude dans la capitainerie du port d'Aspen, puis était rentré par effraction dans l'arrière-salle d'une blanchisserie. Il avait alors volé un costume. Celui-ci était un Celio un peu grand pour lui et pas super bien taillé, mais ça ferait davantage l'affaire que son marcel et son jean troué. Il avait ensuite, avec ses derniers 3 euros, acheté un sandwich aux rillettes. Puis il avait patienté jusqu'à 18H pour se présenter au siège de Médiasera.

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Il se présenta à l'accueil, et on lui fit patienter sur un siège en cuir.

[Thomas de Kervern]

La secrétaire de Thomas le prévint que son invité était arrivé. Ce dernier demanda à cette dernière de le faire accompagner dans son bureau par deux agents de sécurité. Vyacheslav suivit donc les deux loubards qui frappèrent à la porte de Thomas. Toc Toc !

Entrez !

La porte s'ouvrit, et Thomas découvrit le visage de ce fameux personnage qui était entré en contact avec lui, non sans toupet. Il fut d'emblée frappé par l'allure défréchie du personnage mais surtout par son odeur nauséabonde. Il se demanda alors ce qu'il allait bien pouvoir faire de ce pauvre homme dans le besoin. Il s'adressa aux agents de sécurité :

Merci, laissez-nous.

Les deux hommes étaient maintenant seuls dans le bureau. Thomas invita Vyacheslav à s'asseoir, ce que ce dernier fit.

Bon, monsieur. Je reconnais être très surpris par votre demande. Il est absolument rarissime que j'accepte de recevoir des personnes que je ne connais pas ici même. Mais sincèrement, votre démarche audacieuse m'a surpris agréablement. A vrai dire, je n'ai jamais été confronté à une telle situation. Je pense que si vous avez réussi à passer les nombreuses barrières pour en arriver à me rencontrer physiquement, c'est que vous en avez dans le crâne. Mais pour le moment, je ne sais rien de vous. Pourriez-vous me dire qui vous êtes exactement et ce que vous attendez de moi ?

[Vyacheslav Vedernikov]

[HRP : je pue pas, j'ai pris une douche, alcoolique !]

Vyacheslav s'était rarement assis dans de tels fauteuils, dans de tels bureaux, devant un tel personnage. Il était donc assez stressé, mais pas déstabilisé.

- Je vais être honnête. Je suis né entre 1979 et 1981 au Kazakhstan, de père inconnu et de mère incapable de m'élever. Je me suis enfuit à l'âge de 8 ans en j'ai été recueilli dans un orphelinat puis un institut de St Petersbourg jusqu'à mes 17 ans. A 17 ans, je m'engage dans l'armée rouge et suis repéré par les services secrets russes. Lors d'une mission en Géorgie, j'ai été laissé pour mort par mon équipe et j'ai alors été recueilli par un paysan local, puis j'ai commencé une activité de contrebandier sur la mer noire pour gagner de quoi manger.
Là, je rencontre un Libanais qui m'engage comme pilleur de temples pour une mission en Birmanie. J'ai été pris par la police militaire locale, puis condamné à mort, mais j'ai réussi à m'échapper et à gagner la Thaïlande où j'ai été enrôlé dans une filière de trafic d'opium. Mais encore recherché par la Birmanie, j'ai embarqué sur un cargo, direction le Pérou où j'avais un contact. Sur place j'ai été embauché par des rebelles trafiquants, mais je me sentais menacé par mes nouveaux acolytes et j'ai donc traversé la forêt colombienne, où j'ai failli y laisser la vie. J'ai été recueilli par une expédition scientifique britannique, qui m'a emmené à Londres où j'ai pu étudier le droit en me faisant embaucher comme assistant d'un scientifique expéditionnaire. Mais en 2007, j'ai été sommé de rentrer à Moscou pour régulariser ma situation. J'ai réussi à me faire embaucher comme laborantin à St Petersbourg, à l'université, mais j'ai été viré pour problèmes financiers. J'ai donc replongé dans le trafic sur la mer noire, jusqu'au moment où j'ai décidé de prendre ma destinée en main et de me créer une vie honnête et stable.

[Thomas de Kervern]

Bon écoutez, votre parcours est compliqué. Vous avez fait des choses intelligente mais aussi tapé dans l'illégal. Mais vous semblez avoir un fond vraiment intéressant, cela m'intrigue. J'aime les gens qui cherchent à s'en sortir en donnant le meilleur d'eux-même. Si seulement tout le monde était comme cela ! Pour tout vous dire, je recherche un homme de main. Quelqu'un en qui je pourrai avoir confiance en tout temps, qui sera disponible en permanence pour moi. Une sorte d'homme à tout faire pour m'aider quotidiennement, car j'ai énormément de travail entre mes entreprises et mon activité politique. Vous pensez-vous capable de faire un telle chose ?

Il sortit une liasse de billets d'un tiroir de son bureau et la donna à son interlocuteur.

Pour commencer, faites-moi le plaisir d'aller vous acheter de nouveaux vêtements, plus professionnels. Allez manger quelque-chose, et réservez-vous un bon hôtel. Je ferai en sorte de vous trouver un logement rapidement. Je vais être très occupé ces trois prochains jours... Il faut que je me rende aux Îles turques et caïques pour y conclure le transfert du siège de ma société. Pendant mon absence, j'ai une mission spéciale à vous confier. Je vais pouvoir évaluer vos capacités réelles. En fait, j'aimerais que vous vous rapprochiez de mes adversaires politiques de gauche. Vous êtes inconnu et ils n'auront aucun mal à vous accepter. Votre rôle sera de me transmettre toutes les informations que vous jugerez utiles dans le cadre de mon œuvre politique. N'hésitez pas à pousser votre investigation assez loin. Nous avons besoin de savoir ce qu'il se passe dans les coulisses de la gauche et du gouvernement. Procédez comme vous voulez pour créer ce rapprochement, à vous de faire preuve de bon sens. Acceptez-vous ce défi ?

[Vyacheslav Vedernikov]

Vyacheslav saisit la liasse avec un sourire et écouta attentivement son interlocuteur.

- C'est comme si c'était fait. Merci pour l'argent. Je vous recontacte bientôt. Bon voyage !